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La gorge nouée, je lançai un dernier regard à mon cher bureau, fermai la porte avec regrets, et marchai d’un pas lourd vers l’ascenseur. Direction le réfectoire, où j’entendais déjà sonner l’hallali.

D’abord, il y aurait des discours pour me souhaiter bon vent, puis la remise d’un cadeau forcément aussi inopportun qu’incongru. Viendrait ensuite l’instant tant redouté des adieux aux collaborateurs. Comment ne pas hurler à la face de tous que je n’étais pas dupe de leur mascarade ? Est-ce que l’on souhaite bonne chance et bonne continuation au condamné que l’on mène à l’échafaud ? Est-ce que l’on fête des funérailles ? Me joueraient-ils le grand numéro des regrets hypocrites, ou bien saisiraient-ils cette occasion rêvée pour régler lâchement quelques comptes ?

Dix-sept heures déjà ? Plus moyen de tergiverser, impossible de fuir : comment moi, Brigitte Jean, pouvais-je me sentir aussi exposée, vulnérable ?  M’efforçant de garder la tête haute, mais genoux tremblants, je descendis dans l’arène où m’attendaient les lions. Les mains glacées, le cœur battant, je m’avançai, seule devant l’assemblée nombreuse disposée en arc de cercle pour mieux observer la mise à mort de la victime sacrificielle. Déjà les petits fours avaient été disposés sur le buffet. Déjà un serveur en habit blanc préparait des cocktails ; des vodka-Martini, qu’il mélangeait à la cuillère. Singulière méthode. Il ne savait donc pas qu’on avait inventé le shaker ? Les bouteilles de champagne attendaient dans les seaux à glace ; tiens, du Bollinger ? Fichtre, ils n’avaient pas lésiné !

Ce fut à ce moment précis que je le vis sortir des rangs et se diriger droit sur moi, lui, l’exécuteur des basses besognes, mon bourreau, tenant dans une main un vodka-Martini, et dans l’autre une enveloppe rose cachetée.

Il s’appelait Blondes, Jacques Blondes, et c’était lui qu’ils avaient choisi pour me porter le coup mortel.