A Capesterre sur Marie-Galante, hommage à Laurent Voulzy. Photographie de Robert René Poulain.

    Cela faisait plusieurs jours à présent que nous avions débarqué de l’avion et nous n’avions encore visité qu’une infime partie des deux ailes de papillon que forment Grande-Terre et Basse-Terre. Il restait beaucoup de rubriques dans la liste d’attractions et de merveilles à ne pas louper que j’avais scrupuleusement dressée avant le départ. Je commençais sérieusement à m’impatienter. J’en avais assez de poireauter : quand donc mes belles indolentes sortiraient-elles de leur torpeur ? Il me fallait de l’action, assouvir ma soif de découvertes, satisfaire ma bougeotte. Je n’osais pas me plaindre, mais à mille détails, elles eurent tôt fait de percevoir ma fébrilité.

       Ce fut Julie qui décida de mettre un terme à mon tourment. Ouf, il était temps !

       Un midi, elle revint d’une séance de bronzage au bord de la piscine pour nous annoncer, avec un enthousiasme non feint, qu’elle avait fait la connaissance de la locataire d’un bungalow voisin qui lui avait vanté les mérites d’une mini croisière jusqu’à Marie-Galante. Le voyage se faisait en ferry, et il se trouvait justement qu’il restait des places à bord de celui que la voisine avait réservé pour le lendemain même.

       Marie-Galante ! Pourquoi n’en avais-je pas parlé plus tôt ? À la simple évocation du nom, je fredonnai l’émouvante chanson de Laurent Voulzy, à la nostalgie et au romantisme contagieux, dont le refrain porté par une musique d’une douceur infinie ne vous lâchait plus une fois que vous l’aviez entendu. À vrai dire, j’y songeais depuis notre arrivée aux Antilles et la charmante ritournelle me trottait en boucle dans la tête. Immédiatement, cela m’apparut comme une évidence, nous ne pouvions pas repartir de Guadeloupe sans avoir vu Marie-Galante. La décision fut prise à l’unanimité. Enfin, un beau projet !

       De bonne heure le lendemain matin, nous nous retrouvâmes parmi les gens qui attendaient d’embarquer. Dès que le signal fut donné, un troupeau désordonné se précipita, chacun jouant des coudes comme dans une cohue parisienne sur un quai du métro à l’heure de pointe. Ce fut la bousculade pour être le premier à franchir la passerelle et pouvoir ainsi choisir son siège. L’embarcation était assez vaste, aussi notre trio laissa-t-il passer la meute, d’autant que bizarrement les places les plus âprement disputées étaient toutes situées dans la cabine, à l’intérieur du navire. Pour ce voyage en mer caraïbe par temps calme, n’était-il pas cent fois préférable de contempler le large depuis le pont supérieur ? Je n’eus pas grande difficulté à convaincre la compagnie des bienfaits d’un bol d’air marin. Quand vint enfin notre tour, nous gravîmes la volée de marches métalliques et rejoignîmes les moins frileux qui avaient opté pour une croisière au soleil.

Quelle imprudence ! Quel manque de clairvoyance !